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TOUTES LES CHRONIQUES - ALL REVIEWS

GUY DAROL 4 ETOILES JAZZ MAGAZINE 02/22

Les  gouffres et les hauteurs du temps... les contratstes de l'émotion

Cette formule piano - batterie à forte inclination percussive tient de la machine à explorer les gouffres et les hauteurs du temps (...) La suite joue sur les contrastes de l'émotion dont le batteur, grand peintre, a souvent témoigné par des hommages sans faute de goût à Carla Bley ou Robert Wyatt... Une suite de chemins vivement ou tranquillement empruntés... Ce disque tranchant, diamanté, est incassable ! "

CATHERINE CARETTE SELECTION  FIP RADIO  01/22

Au dessus du tumulte ambiant, fluide et délicat

On dirait que les esprits de Paul Motian et de Keith Jarrett planent au-dessus de la rencontre impromptue entre le batteur Bruno Tocanne et le pianiste Didier Fréboeuf. Fluide et délicate comme pour conjurer les mauvais esprits, elle sait aussi exploser, jouer sur les tensions et sur le fil de l'émotion. Du titre éponyme (composé par le pianiste) à On ne discute pas cuisine avec des anthropophages, en passant par L'avenir n'est plus ce qu'il était, Fake News, ou encore Saturation et all over, les compères adeptes de l’improvisation, se frayent un chemin de lumière au milieu du marasme ambiant et de la cacophonie du monde. Sur les sept titres de l'album captés au printemps dernier, en pleine campagne charentaise, par Fabien Girard au studio Juillaguet, le duo teste la matière et prend les chemins de traverse pour traduire sa perception du monde et la manière de s'en extraire parfois. Bruno Tocanne qui, comme a son habitude, s’éloigne des choix formels, ne souhaitait pas qu’ils se rencontrent avant d’imaginer sur place un canevas évanescent. Du minimalisme aux grandes formations, Bruno Tocanne, fondateur du réseau imuZZic, a expérimenté de nombreuses expériences à géométrie variable. On se souvient notamment du magnifique Over The Hills en hommage à l'opéra-jazz mythique de Carla Bley qu'il initiait en 2015 avec le bassiste-contrebassiste Bernard Santacruz et de ses duos avec la clarinettiste Catherine Delaunay, le pianiste-guitariste Henri Roger ou avec les guitaristes Jean-Paul Hervé et Alain Blesing.Didier Freboeuf, pianiste, de formation classique, vite captivé par le jazz et les musiques improvisées, a une trentaine de disques à son actif et notamment le très bel album solo Piano Sounds, entre compositions personnelles et hommages à ses maîtres. Il écrit également pour le théâtre, la chanson, la danse, les orchestres de chambre, le dessin animé et transcrit des pièces pour orchestre."(...) S’affranchir de la métrique, suggérer plutôt que d'affirmer, penser le temps sans pour autant le marquer de manière ostentatoire, savoir le perdre, le retrouver, le triturer, l'élargir, lutter contre, l'accompagner, tenter de le maîtriser, tourner autour sans jamais le souligner.... Tenter d'aller au bout de la démarche sans concession mais sans non plus tomber dans une posture de « radicalité » anti mélodiste (...) " tel est le propos du coloriste des peaux. En compagnie du funambule des touches noires et blanches ils jouent avec les contrastes, effleurent la pulsation, considèrent les silences, prennent le risque de la pleine liberté et du dépouillement pour nous offrir un moment suspendu."

DISQUE DU MOIS / JAZZ'IN JANVIER 2022

XAVIER PREVOST  LES DERNIERES NOUVELLES DU JAZZ  01/22
Echange et création plurielle d'un bout à l'autre... Une belle escapade
« Enregistré dans le studio du contrebassiste Kent Cater, un disque qui mêle improvisations/compositions des deux partenaires, et Song For Whales , de Charlie Haden (Liberation Music Orchestra, «Time/Life»). Le thème-titre, Ça n'empêche pas le vacarme, est signé du seul pianiste, mais le CD respire d'un bout à l'autre l'échange et la création plurielle. Cela commence du côté de crissements de cymbales, notes éparses de piano qui se jouent des tonalités, accord arpégés qui sous-tendent le mystère.... Le dialogue est là, dès les premiers instants. Puis c'est comme un appel au silence, dans des résonances qui s'attardent, des lignes qui musardent entre les tentations harmoniques, toujours contournées. Et les tambours qui grondent. Le paysage s'éclaircit et se dessine :on est embarqué. Puis c'est un nouveau dialogue, des fûts et des cymbales, surgissant progressivement d'un mouvement tellurique pour prendre langue avec le piano préparé, lequel va chanter ensuite de tout son lyrisme rhapsodique pour le chant des baleines. Retour d'un bruitisme percussif avant cavalcade échevelée du piano (ça s'intitule Saturation et All Over ). Vient la composition de Didier Frébœuf, Ça n'empêche pas le vacarme : comme un cessez-le-feu après les salves. Un crescendo pourtant nous dira que l'accalmie n'était qu'une esquive. Et la plage finale, énigmatiquement titrée Fake News, et qui tend l'oreille du côté de Monk, paraît nous dire pourtant la vérité de cette musique, d'échange et d'intensité. Fin du voyage. Le texte du livret, signé Philippe Alen, fait de cette aventure un autre récit, qui tutoie les hautes sphères. Belle escapade, et beau disque. »

GILLES GAUJARENGUES  CITIZEN JAZZ 01/22

Captivant... On y inspire, on y halète, on s’y époumone, on s’y oxygène, on respire.

Les mélomanes qui osent s’aventurer vers des esthétiques peu communes connaissent – c’est sûr – Bruno Tocanne. Le batteur – mais pas que – multiplie depuis belle lurette albums et projets hors norme et, systématiquement, propose des musiques captivantes. Cette fois, c’est avec le pianiste Didier Fréboeuf que chemine cet arpenteur de sons d’ici et de phrases d’ailleurs, et il nous convie à partager cette balade au grand air. Cette fois encore, on s’embarque avec un immense plaisir au gré des sept morceaux qui constituent ce disque.

La formule piano – batterie laisse deviner, bien avant même que nous engagions la première piste, des promenades escarpées. Les jongleries que nous proposent ces deux esthètes ne s’apprécient que si l’on goûte chacun des sons, chaque pulsation, chaque heurt et chaque caresse. Ainsi en est-il de « On ne discute pas cuisine avec un anthropophage ». Les quatre minutes de ce pas de chat musical se savourent si l’on s’imprègne de chacune des bribes qui alimentent ce morceau à l’ADN presque bruitiste et, en même temps, traversé d’une poésie sensible. Les notes de piano pour la plupart étouffées, les balais sur les peaux se lovent et s’enchevêtrent dans un superbe susurrement. A l’inverse, « Song for Whales » – composition de Charlie Haden – qui suit immédiatement, est lyrique et l’enchaînement des deux pistes est un régal. On pourrait les recevoir comme autant de mouvements d’une pièce unique. C’est également le cas avec « Saturation et All Over » qui commence avec une douleur non feinte, faite de choses qui crissent, grincent et craquent pour ensuite éclore dans une composition nerveuse où tous les éléments sont dans un équilibre de funambule. Et puis arrive « Ça n’empêche pas le vacarme », longue évanescence, superbe elle aussi, qui va et vient entre crescendo et decrescendo.

L’album de Bruno Tocanne et Dider Fréboeuf est organique, de genre qui emplit celui qui accepte de s’y jeter sans tremper le bout de l’orteil pour savoir si l’eau est froide ou tiède. On y inspire, on y halète, on s’y époumone, on s’y oxygène, on respire.

YVES DORISON CULTURE JAZZ

Une fort sensible éloquence

"Puisque le temps se joue de nous, il faut bien que de temps à autre certains le prennent à revers et se jouent de lui. Bruno Tocanne et Didier Fréboeuf, en bons iconoclastes du jazz, se payent sa tête avec une fort sensible éloquence. Immergé dans l’improvisation, les deux compères pêchent en eaux vives les sonorités qui les intéressent ou, simplement, leur donnent le frisson nécessaire à la poursuite d’une recherche informelle. Et ce n’est pas du temps perdu car émergent de cet espace exploratoire des bribes mélodiques qui éclairent leur chemin. Pendant ce temps-là, celui où le piano et la batterie laissent se percuter les idées, l’auditeur peut à loisir gouter les contrastes qu’offre la liberté d’exécution, le silence quand il respire, les pulsations quand elles soupirent, toute la musique à laquelle aspirent les deux protagonistes. Les masses qu’ils déplacent, les courants qu’ils bousculent, les lieux d’indécision où les mène leur regard, s’épousent dans la variabilité de leurs profondeurs (de l’intime en clair obscur), cherchent à ressentir l’instant avant qu’il ne s’évanouisse, comme toute chose en ce bas monde, comme tout être aussi. Pour un peu, si on ne les savait pas illusionnistes, on oublierait que le temps passe."

DENIS DESASSIS NOTES VAGABONDES
Une excursion au grand air tout au long d'un chemin traversé par la lumière
« Le plaisir, toujours, de retrouver Bruno Tocanne et la force tranquille de ses suggestions. J’ai eu l’occasion de parler ici-même à maintes reprises de ce batteur dont l’exigence esthétique n’a d’égale qu’une volonté farouche d’ancrer son propos musical dans l’idée d’une célébration (les albums Libre(s) Ensemble et Over The Hills constituant deux repères essentiels de cette démarche). Son jeu, jamais invasif, est l’héritier d’un Paul Motian, ce maître qui figure sans doute au premier rang de ses figures tutélaires. Chez l’un comme chez l’autre, écoute, retenue et invention sont à l’œuvre pour dessiner des paysages changeants mais aux couleurs étincelantes, jamais clinquantes, où la notion de liberté va de pair avec l’idée d’une captation de l’instant au plus près des émotions. On avait laissé notre homme en bonne compagnie, celle de son ami Alain Blesing, pour l’album L’impermanence du doute, dont je m’étais fait l’écho dans les colonnes du magazine Citizen Jazz. Un duo, un de plus pour celui qui aura pratiqué cette formule à de nombreuses reprises : Catherine Delaunay, Jean-Paul Hervé, Henri Roger, Jean-René Mourot, Rémi Gaudillat… Une série sans faute qui poursuit son chemin avec Ça n’empêche pas le vacarme, enregistré avec le pianiste Didier Frébœuf que j’avoue avoir découvert avec ce nouveau disque paru sur le label IMR.
Un duo donc, libre et offert aux vents doux d’une conversation se faufilant dans les moindres interstices d’une musique buissonnière, spontanée, ce qu’illustrent parfaitement les deux compositions qui ouvrent et ferment l’album : « L’avenir n’est plus ce qu’il était » et « Fake News ». C’est un dialogue de chaque instant qui s’instaure – l’écoute réciproque des deux protagonistes est un modèle du genre – pour une course un peu folle sur des chemins parfois sinueux mais ouverts à un chant profond et à la brise d’une découverte toujours possible.  « Ghost Towns » illustre une présence mélodique mêlée de retenue, parsemée des éclats du piano et des éclairs des cymbales. L’échange entre les deux improvisateurs conteurs arbore parfois des nuances plus bruitistes (« On ne discute pas cuisine avec des anthropophages », « Saturation et All Over ») lorsque le piano préparé croise le chemin de cymbales et de peaux dont les crissements ne sont toutefois jamais des mises en garde. Une musique des libertés qui vient culminer à deux reprises par le truchement de thèmes signés Charlie Haden pour l’un (« Song For Whales ») et Didier Frébœuf pour l’autre (« Ça n’empêche pas le vacarme ») : ici la conversation devient délicate, piano et cymbales tombant en gouttes de pluie avant la montée en tension d’un thème assez majestueux ; là se dévoile une beauté harmonique poignante vibrant des échos restés proches du Liberation Music Orchestra. Conversation, liberté, chant, exploration, simplicité aussi de la forme – c’est la quasi nudité de deux instruments tout aussi mélodiques que rythmiques qui s’exprime ici, et au bout du compte le sentiment d’avoir ressenti au plus près la vibration née d’une excursion au grand air tout au long d’un chemin traversé par la lumière. »

 

JEAN CLAUDE PENNEC JAZZ IN LYON 03/22

Un petit joyau dont se dégage une sérénité et un plaisir d'aller voir ailleurs... Précieux
C’est le dernier opus de Bruno Tocanne, sorti sous le label IMR : « Ca n’empêche pas le vacarme ». Une quête musicale en sept pièces inventée et jouée par le percussionniste et le pianiste Didier Fréboeuf. Une alliance séduisante, dépouillée et intimiste qui permet d’élaborer, comme souvent avec Tocanne, une vision musicale inédite d’où toute banalité s’exclut d’elle-même. Les deux musiciens signent l’ensemble des compositions, excepté un hommage souvenir à ce Song for Whales empruntée à Charlie Haden, lui aussi fomenteur de grands duos par le passé. Pour le reste et pour en finir avec les détails de ce petit album orné d’une somptueuse peinture, on prêtera une attention particulière aux titres des compos : bien sûr, Ca n’empêche pas le vacarme, qui pourrait être vu comme le point de départ du passage à l’acte amenant cet enregistrement, mais on goûtera aussi (façon de parler) « On ne discute pas cuisine avec des anthropophages », « Fake news » ou « L’avenir n’est plus ce qu’il était ». N’en concluons pas pour autant que ce petit joyau baigne dans la tristesse ou la mélancolie. Au contraire, il s’en dégage une sérénité et un plaisir d’aller voir ailleurs, précieux par les temps qui courent et qui explosent (au sens propre). Ainsi, cet « Avenir n’est plus ce qu’il était », qui introduit le disque : un piano retenu, une batterie discrète et précieuse dans sa façon de prolonger l’accord ou la note. S’impose d’entrée cette façon d’aller à l’essentiel, de suggérer plutôt que d’imposer, de se contenter de nous montrer la voie, leur voie. Frappe aussi chez le pianiste son approche pour une part inédite de l’instrument. Particulièrement décelable dans cette intro de « Ghost Towns ». D’autant plus évocatrice que dépouillée. A charge d’inventer, de ressentir, pour celui qui la reçoit, le paysage qu’elle dessine. Chaque phrase se veut, est, précieuse. Se suffit à elle-même. C’est l’une des originalités de ce pas-de-deux piano-percussions, côte à côte : une interpénétration qui se savoure mesure après mesure, note après note. Talent de Bruno Tocanne, au fil des enregistrements, de ne cesser d’inventer son cheminement musical, d’être en perpétuelle alerte, de se glisser près de l’un, de l’autre, des autres, et comme il l’écrit de «tourner (le temps) sans jamais le souligner ». Surtout pas simple. C’est peu dire qu’année après année, il construit ainsi son monde propre de l’instrument et qu’il affine le rôle qu’il lui assigne dans la construction sonore imaginée. Précieux. »

 

ALAIN FLECHE LA GAZETTE BLEUE
Une musique imprévisible et élégante

« Une nouvelle aventure en duo pour Bruno qui, en décembre dernier, a été séduit par l’idée et la proposition de son voisin et ami Didier, pour converser à baguettes et cordes non rompues, mais sans retenue. Rencontre de 2 virtuoses qui savent ne pas trop en faire pour se donner le temps et l'espace de placer notes et coups aux bons endroits, aux bons moments, ingrédients et arguments d'une discussion qui s'étire sans s'écrire, choisit ses sujets en les attrapant au vol... à la tire... sur ce qui dépasse, de son esprit, de celui de l'autre, peut importe lorsque les ego restent sur le palier pour pouvoir avancer ensemble sur ce beau projet, de front, 2 fronts intelligents, intuitifs, pour une musique imprévisible et élégante. Imprévisible, comme l'air du temps qui passe, si rapidement que les événements se chevauchent avant avoir pu se finaliser, se trouver une conclusion, tant attendue, déjà obsolète... comme un moment de musique improvisée, une durée dépendante de l'envie, du besoin, de l'urgence ou bien de la nécessité de développer laissés à l'appréciation de chaque protagoniste, et la fin induira le début d'autre chose...

Élégance du toucher sur le piano qui pourrait être lyrique si la réflexion du doute ne ralentissait parfois des élans, spontanés pourtant, mais comportant le risque de l'enchaînement attendu ou de redite de phrase familière. Didier joue par tâches, à la note, groupe de notes, troupeau de notes, et le silence. Si on se laisse penser à K.Jarret (notes suspendues, hésitations en forme de respiration -ou le contraire-, fuite en avant sur des chemins où on ne peut plus reculer...), alors, Bruno ne nous en voudra de rapprocher (encore une fois, mais on ne s'en lasse pas héhéhé) son jeu, son art, sa palette de celle du coloriste : Paul Motian ! Comme le maître américain, jeu en retenu qui évite les diatribes bavardes et envahissantes, tout en, finalement, proposant son propre discours, en justesse et pertinence .

Des ambiances, et compositeurs différents pour un album bien ficelé où tout s'enchaîne sans heurt mais avec conviction ! Ça démarre assez fort par des accords échevelés, ligne de basse (main gauche) qui se promène pas forcément à l'endroit idoine, les fûts ponctuent, ajoutent à la respiration, discrets... Ensuite, on rentre dans le vif de la discussion, les propos s'affichent, s'exposent, les cymbales résonnent, étirent les phrases qui rebondissent sur les peaux tendues ... puis, le piano devient mat , notes étouffées et percussives , la batterie en devient harmonique, chante des bouts de mélodies en devenir ... Pioche dans le répertoire de Charlie Haden : les baleines se prennent pour des sirènes, leurs chants les rendent belles, et appellent un chant mérité pour les célébrer. Chant qui oscille entre ode aux mammifères marins et révolution paisible, lyrisme et révolte, tout l'univers de Charlie que s'approprient nos 2 compères en moins de 4 minutes . Suit une nouvelle préparation du piano qui n'en revient pas de deviser en pas de 2 où la batterie à la part belle à partager des coups et des frappes, et hop, c'est de l'acrobatie, des balles colorées jaillissent, désordonnées comme des rires presque forcés, explosant en l'air avant que d'être cueillis par une raquette qui en profite pour envoyer d'autres balles qui ne seront pas perdues malgré l'espace immense où se déroule le jeu. Et il n'y a pas de perdant, ni de gagnant, ce n'est pas une compétition non plus, puisque c'est pour rire ! Didier signe le titre éponyme du disque, moment apparemment calme, lent plutôt, on décèle une tension sous-jacente presque gênante, air lourd d'avant l'orage qui n'éclatera pas, nuages sombres qui roulent et tonnent et déjà s'éloignent , laissant la terre assoiffée... Piano solo. Pour finir, un morceau de jazz qui ne veut pas dire son nom. Le piano musarde sur des arpèges généreux, les tambours grondent, martèlent les accords comme les doigts frappent les touches. Peu à peu, des bouts d'une mélodie que l'on finira par reconnaître, s'échappent du canevas incertain, rayons de soleil filtrant à travers les nuages blancs et majestueux, une mélodie dont on cherche encore le nom, mais oui bien sûr ! Rien de moins que des extraits d'une composition de Thelonious Monk, tellement à son aise dans ce format, adaptable à souhait. Jolie finalité que d'en appeler à tierce génie pour clore cette discussion à deux, sans grand éclat de voix, de soi, mais en mode courtoisie et respect, chacun poussant l'autre à exposer le meilleur de ce qu'il a à dire ! et ça cause ... Bien ! Très bien !!! Miam-miam. »

BEST OF JAZZ  12/21

Peacefully creating avant-garde music... Towards jazz, avant-garde, classical, spiritual, and blues.

Ça n’empêche pas le vacarme means, “It does not prevent the din.” So, keeping the nature of the duet (e.g., drums/piano) associated with such a title in mind, one will be surprised by how peaceful the music finally becomes. The album is jazz and avant-garde, but somehow the overall impression leans towards classical, spiritual, and sometimes blues. The duet keeps playing around the rhythms, building melodies out of no visible structures or patterns, just by giving small hints here and there but rarely any clear evocation, making tranquility rise from struck strings, toms, and cymbals. It just feels like flowing notes and beats played on the piano and the drums, intentionally avoiding all metrics.  Bruno Tocanne sums up this release with the phrase “suggesting, rather than stating.” In other words, the rhythms are suggested; jazz is suggested; the way forward is suggested; even the melodies are only suggested, but the calmness of the album lies in these suggestions, peacefully creating avant-garde music.

ROGER BERTRAND VANDERBEKEN JAZZ'IN 02/2022

Un magnifique enregistrement

Hasard (heureux) du calendrier, comme on dit, paru presque en même temps (*), un autre duo, piano/batterie, entre le pianiste Didier Fréboeuf et le batteur Bruno Tocanne «ça n’empêche pas le vacarme» (joli titre) mais ça ne tombe jamais dans la cacophonie, pas d’images pour illustrer cette musique, mais on peut les faire vivre dans sa tête en écoutant simplement ce magnifique enregistrement. Belle pochette réalisée par la fille du pianiste, Adèle Fréboeuf. Il y a un lien qui relie les deux musiques précitées, il s’appelle Bruno Tocanne, qui fût aussi le batteur de Sophia dans un de ses premiers disques «Funerals».

(*) Allusion au disque du duo Sophia Domancich - Simon Goubert

JEAN ROCHARD NATO GLOB

Un duo d'irréfutable relation

BOB HATTEAU  JAZZ A BABORD

Quel plaisir de partager des vacarmes aussi spirituels !

Fondateur du réseau imuZZic en 2000 et du label Instant Music Records, héritier de l’esprit free jazz des années 70 et troubadour de l’avant-garde, Bruno Tocanne  s’associe au pianiste, compositeur et pédagogue Didier Frébœuf pour sortir Ça n’empêche pas le vacarme le 27 décembre 2021.

En pleine pandémie de covid, le titre du morceau éponyme, signé Frébœuf, est explicite ! Quant à « L’avenir n’est plus ce qu’il était » – citation empruntée à Paul Valery et référence au roman de Richard Fariña –, « Fake News », « Ghost Towns », « Saturation et all-over »… ils sont eux-aussi d’actualité ! Par ailleurs, le duo reprend « Song for Whales » de Charlie Haden, au répertoire de Time / Life (2016) du Liberation Music Orchestra. L’élégante pochette du disque a été composée à partir d’un dessin d’Adèle Frébœuf, fille du pianiste.

Frébœuf et Tocanne dialoguent à bâton rompu, tantôt dans une atmosphère contemporaine (« L’avenir n’est plus ce qu’il était ») à tendance concrète (« On ne discute pas cuisine avec des anthropophages »), tantôt dans une ambiance free débridée (« Saturation et All Over ») ou sous forme de discussions foisonnantes (« Fake News »)... Les deux artistes conversent également avec une solennité (« Ghost Towns »), quasiment mélancolique (« Ça n’empêche pas le vacarme »), voire, parfois, aux allures d’hymne (« Song For Whales »). Grâce à une prise de son bien équilibrée, la batterie n’étouffe jamais le piano. Frébœuf saute d’une ligne en zigzag (« L’avenir n’est plus ce qu’il était ») à des airs aux accents légèrement moyen-orientaux (« Ghost Towns »), en passant par motifs pétillants (« Saturation et All Over »), des effets percussifs dans les cordes (« On ne discute pas cuisine avec des anthropophages »), des vrombissements (« Ça n’empêche pas le vacarme »), des questions-réponses entre les deux mains (« Fake News »), mais aussi des moments mélodiques dramatiques (« Songs For Whales »). Tout en subtilité, Tocanne bruisse et crépite (« L’avenir n’est plus ce qu’il était »), avec une palette de frappes colorées (« Ghost Towns »), de roulements tour à tour majestueux (« Song For Whales »), furieux (« Saturation et All Over ») ou touffus (« Fake News »), et de ponctuations judicieuses, qui soulignent à propos les phrases du piano et accentuent la tension (« Ça n’empêche pas le vacarme »).

Heureusement encore que les virus, Ça n’empêche pas le vacarme ! Et quel plaisir de partager des vacarmes aussi spirituels !

 

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